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Création mondiale et fabrication de violoncelle à Giverny

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Le Festival Musique de chambre à Giverny met en avant une formule originale : les musiciens « séniors » et « juniors » s’installent en résidence pendant dix jours pour élaborer les pièces qu’ils jouent en concert. Donc, pas de va-et-vient de musiciens qui restent juste pour le temps des répétitions et d’un concert. Les « juniors » sont des musiciens dont le talent est déjà confirmé, et font partie d’orchestres et/ou de formations de musique de chambre connus.

La 11e édition, dont les grands thèmes sont La Musique à Prague et La Musique et la Danse, compte deux grands événements : la création mondiale d’une œuvre pour violoncelle et danseur de claquette de , et la fabrication d’un violoncelle par une équipe d’une dizaine de luthiers pendant le Festival, c’est-à-dire en dix jours.

Sopra la Folia Giverny Pollack

La création de Sopra la Folia, la dernière pièce de Thierry Escaich, a lieu au cours du concert du 29 août à 20 heures, au Musée des impressionnismes de Giverny.

La soirée débute avec une autre œuvre du compositeur, Chorus pour quatuor à cordes, piano et clarinette, de 1998 (révision en 2007, création le 22 mars 1998 à Lyon). Selon l’auteur, la pièce est une passacaille, qui a pour modèle celle de la Renaissance, mais dans l’esprit du swing comme le titre l’indique. Pendant une petite dizaine de minutes, la composition est traversée par des gammes chromatiques qui apparaissent constamment, sans toutefois donner une impression d’obsession. S’en dégage alors une forte énergie, par laquelle les interprètes deviennent petit à petit comme possédés…

Puis, Three Faces of Ebony pour clarinette et quintette avec piano d’ (né en 1965, composition de 2007 sur commande de la Radio canadienne CBC2), qui explore l’univers de la clarinette. La pièce à trois parties a été composée à l’origine pour trois clarinettistes, mais ce soir, James Campbell assure seul les trois parties.

Vient ensuite la création de Sopra la Folia. Le violoncelle expose d’abord en pianissimo le thème décousu de la célèbre Folia, comme si on l’entendait de très loin. Puis, ce thème est disséqué et recomposé à la manière de variations ou de collage, un peu comme une peinture cubiste (Escaich explique qu’il s’agit également d’une passacaille) mais on reconnaît aisément sa mélodie. La partie « claquette » est considérée comme celle de percussions sur le corps : ce n’est pas seulement les pieds qui sont sollicités mais aussi les mains, les jambes, le tronc, le torse, le crâne, et même la bouche. Et tout est écrit en notes dans la partition, sur trois lignes, main, corps et pieds. Le danseur Max Pollack lit ces notes, comme un musicien lit sa partition, pour produire des sons imaginés par le compositeur, mais il y a aussi une part d’improvisation : quand il frappe les mains, c’est lui qui décide de frapper quelle partie de la main et quelle sorte de son à faire entendre. Le compositeur lui laisse quelques mesures d’improvisation plus importante vers la fin. Le dialogue avec le violoncelle est fructueux : les « percussions » reprennent souvent les rythmes, les intensités des notes du violoncelle et vice versa, et comme les gestes de deux interprètent se rapprochent parfois , il est également intéressant de les voir. Cette courte musique, d’environ 7 ou 8 minutes, exige une grande concentration pour les deux exécutants et sa réalisation dépend en grande partie de la haute musicalité de la part du danseur. Et la création a été chaleureusement acclamée. La soirée se termine avec le Quatuor en fa majeur « américain » de Dvořák, très énergique.

Le violoncelle Raphaël

Le deuxième grand événement – la présentation du violoncelle construit sur place en temps record lors du concert de la clôture, le 31 août à 15 heures à l’Espace Philippe-Auguste à Vernon.

L’idée est venue de , luthier à Vannes, qui a réuni et dirigé une équipe constituée de huit autres luthiers, tous réputés pour leur travaux : Maurice Beaufort, Francesco Coquoz, Jean-Michel Desplanche, Pascal Douillard,  Pascal Lavigne, Nicolas Perrin, Frédéric Samzun et Jean Seral. L’instrument ainsi fait, tout blanc car sans verni, a été baptisé « Raphaël » à la mémoire du pianiste Raphaël Drouin, habitué du Festival, disparu au printemps de cette année.
Après la présentation par les luthiers, Michel Strauss, directeur artistique, ému, inaugure publiquement ce violoncelle avec la complicité de Macha Belooussova. L’instrument sera par la suite vendu aux enchères pour participer au financement de la prochaine édition du festival.

Au cours de cet après-midi, intitulé « Du ballet aux claquettes », nous avons entendu, après la suite de Casse-Noisette pour deux pianos de Tchaïkovski et Danses polovtsiennes de Borodine, Lucid dream, « For RumbaTap Max !!! » de (née en 1976) et Shabarsha op. 39 d’ (née en 1973), les deux dernières pièces avec le danseur Max Pollack. Lucid dream, pour orchestre à cordes, claquettes et percussions corporelles, a été créé en mai 2013 à Toronto par notre danseur alias « RumbaTap ». C’est donc une œuvre sur mesure, où la danse occupe la place centrale. Le compositeur, colombien, intègre des éléments folkloriques de l’Amérique du Sud ainsi que le jazz, créant ainsi un ensemble débordant de mouvement. Shabarsha, quant à lui, a été composé pour orchestre à cordes et percussions ou grand orchestre à cordes, et créé en juillet 2013. Il illustre un conte russe, collecté par Alexandre Afanasiev, qui raconte l’histoire d’un vieil homme qui ramasse le trésor du royaume du diable en mettant à l’épreuve l’ignorance naïve du diablotin, qui perd évidemment tout ! Ce conte est d’abord raconté par le comédien , puis, la version en petit orchestre à cordes est jouée sous la direction de Thierry Pélicant qui manipule, selon les scènes du conte, un lapin en peluche et un chapeau de paille, alors que Max Pollack danse avec un talent incontestable et humour le rôle du diablotin, rendant la musique – d’une facture très conventionnelle – plus descriptive et vivante.

Entre ces deux dates, il y a eu deux concerts le 30 août, « Les airs bohémiens » dans l’après-midi et « La Première Guerre mondiale » dans la soirée. Pour le concert de l’après-midi où sont interprétés Suite slovaque et Quintette avec piano en la mineur de (1970-1949), De la forêt de Bohème de Dvořák, Airs Bohémiens de Sarasate. Mais ce qui a recueilli le plus d’enthousiasme de la part du public aussi bien que chez les musiciens, est certainement Czardas VI de (1859 ?-1891) et Krystof Maratka (né en 1972), arrangé pour piano, clarinette et quatuor à corde avec contrebasse au lieu de violoncelle. L’interprétation est explosive dans la dernière partie rapide, et l’énergie s’intensifie à mesure que la pièce s’approche de la fin, créant une sorte d’exaltation dans toute la salle. Dans le concert du soir, l’interprétation du Quintette pour piano et cordes de est magistrale. La soirée est ponctuée d’une lecture de textes poignants de Rimbaud, Erich Maria Remarque, Louis-Ferdinand Céline et Henri Barbusse, lus par Laurent Rey, entre Méditation sur l’ancien choral tchèque « Saint Venceslas » de Josef Suk (1874-1935), Sonate pour violoncelle et piano de Debussy et Suite de l’histoire du soldat de Stravinsky (avec Max Pollack).

Crédits photographiques : Michel Strauss et Max Pollack lors de la création de Sopra la Folia © Musique de chambre à Giverny ; luthiers avec le violoncelle « Raphaël » © Monique Ernst


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